Portrait d’un poète vietnamien : Hoang Câm

Carnets du Vietnam, n° 12, 2006

Le rendez-vous était à un carrefour. Une moto a fait demi-tour dans la cohue et s’est dirigée vers nous qui attendions au bord d’un trottoir. Il était sur le porte-bagages.
On m’avait parlé de lui, le poète persécuté, un des derniers grands. Sa vie se résumait en une célébrité tôt acquise et à trente ans de silence et de misère imposés. Il venait d’être réhabilité. Ses ennemis n’étaient même pas morts. Mais les temps changeaient, il n’était plus dangereux.
Il a les cheveux blancs. Une mèche lui descend sur le visage. Il est méfiant sous son béret noir. Le regard est celui d’un gentil, souvent abusé.
Il ne sait pas qui je suis. Il ne veut pas prendre le risque d’avoir des ennuis à cause d’un étranger qui repartira sans se rendre compte de ce qu’il a provoqué. Donc rendez-vous sur une artère passante ; les motos se suivent en détours. Un coin calme est prêt dans un café complice ; le cafetier est honoré de recevoir le poète. Quand on se séparera, il disparaîtra de son côté et nous du nôtre…

 

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