Œuvres sur papier et murs de Bertrand Lagadec

critiques d'art et entretiens, 2010

VRAI CORPS
Atelier blanc de madé (Champlay – Yonne)
du 4 au 19 septembre 2010

Des travaux sur papier à la grange située à Annay-la-Côte (Yonne – photo ci-contre), aux murs disséminés dans la région, si l’on tente de penser la cohérence de l’œuvre de Bertrand Lagadec, on reconnaîtra peut-être, placée sous le signe de l’écriture, une démarche où l’intimité d’un esprit cherche à prendre corps.
Trace de cette matière invisible qui advient, l’écriture appelle l’écriture : elle investit des supports avec ses turbulences de stylobille, hachures en muraille et zébrures de pastel, en vient à les façonner – murs de parpaings, de briques, paroi de métal –, les recouvre d’enduits, les entaille et les bariole avec une fantaisie d’enfant qui pirouette sur sa souffrance, semblant ainsi répondre à l’appel d’une complexité qui se transforme.
Et si cette œuvre témoignait de la rencontre d’un esprit avec sa propre naissance, avec un au bout de lui-même ? Violente en cela que cette rencontre ne peut se faire que dans un affrontement, où la matière sert de milieu d’échange. Délicate par son attachement caressant au minuscule des accidents de cette matière même, qu’elle soit minérale ou végétale, à son grain, à ses fibres.
S’inscrivant, s’inventant par un travail d’incisions, de fentes ou de blessures, le corps de ce qui ne se pense pas, ne se formule pas, ne se voit pas s’engendre en un corps absent, dont les peaux successives, reliques d’états transitoires ou feuillets (au sens embryologique), donnent à éprouver l’unité : vrai corps obstiné à naître, qui s’esquive, s’échappe à lui-même, ne s’appréhende que dans ses mues et mène à la pointe de l’être, là où on ne peut que tomber ou s’envoler.