Thérèse de Lisieux, la confiance et l’abandon

Thérèse de Lisieux ou Thérèse de l’Enfant-Jésus est l’une des saintes les plus populaires dans l’Eglise catholique et au-delà. Elle a laissé trois manuscrits autobiographiques qui ont connu un succès immense.
Lire Thérèse c’est écouter un être qui s’abandonne au dénuement et se laisse ballotter vers cette sainteté qui rend l’être poreux au monde. La vie en communauté, les défaillances de la foi, la maladie qui ronge : elle traverse les épreuves comme un petit chevalier qui s’arme de l’enfance et s’en tient à sa « petite voie » pour franchir les reliefs imprévisibles du royaume intérieur.
Le radicalisme tranquille de sa confiance fait presque peur ; elle n’a l’air de rien mais elle arpente vaillamment cette frontière où l’homme s’approche au plus près de l’Humain et de la compassion.
Plutôt qu’à un modèle, le parcours de cette jeune femme renvoie, au-delà de la croyance et des dogmes, à ce cheminement aux confins de notre singularité vers l’autre.

Seuil, 2008
Voix spirituelles - Points Sagesses

Anthologie de textes de Thérèse de Lisieux, choisis et présentés par Patrick Autréaux.

Extraits de presse

A L’ECOUTE, magazine de la Fondation d’Auteuil, juin-juillet 2008 N°162.
Propos recueillis par Anne Le Cabellec

Patrick Autréaux a choisi et présente, pour les éditions du Seuil, coll. Points Sagesses – Voix spirituelles, une sélection de textes de Thérèse de Lisieux.

Quête artistique
Les premiers contacts avec Thérèse se sont faits plutôt classiquement par ma famille, chrétienne bien que non pratiquante. Au cours de mes études de médecine, j’ai surtout écrit de la poésie et lu des auteurs, Max Jacob notamment, qui m’ont amené vers des textes de mystiques : Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, des récits hassidiques, des contes soufis, des récits chamaniques… Thérèse de Lisieux m’arrêtait un peu par son style, sauf pour le manuscrit C : il y avait là quelque chose qui semblait éclairant pour mon chemin, en poésie surtout.

Identification
Un ami sculpteur m’a fait relire Thérèse, alors que je terminais mes études de psychiatrie. Le manuscrit C paraissait toujours aussi fort, où elle évoque la maladie, la nuit de la foi, la charité. A l’âge de 35 ans, je suis tombé gravement malade. J’ai encore relu ses écrits (pas seulement les siens), cette fois avec une acuité différente. En lisant Thérèse, celle des derniers textes, il faut se souvenir qu’elle se sait perdue. M’étant cru condamné – les médecins étaient très pessimistes –, j’ai fait l’expérience de cet effroi-là, sans ressentir d’ailleurs de colère ou d’appel particulier. Je ne pouvais pas ne pas m’identifier à son cheminement tâtonnant et à l’être humain en elle.

Cohérence interne
Dans les Derniers Entretiens, on suit au jour le jour le parcours d’une femme à l’épreuve. L’aspect sauvage, indomptable, qui affleure chez les mystiques, y fait résurgence avec force. On prend conscience des ténèbres dans lesquelles elle se trouve et de l’inefficacité du recours à la foi qui l’a habitée jusque-là. J’ai entrevu un semblable dénuement chez certains patients en tant que médecin, et comme malade : un sentiment de déréliction, la douleur d’une solitude, d’une angoisse que rien ne fait céder. Néanmoins, le psychisme de Thérèse ne se disloque pas, ne se morcelle pas. Sa « petite voie » lui permet de résister.

Une route droite
L’apaisement qu’elle peut donner ne vient pas de ses réponses, mais, au contraire, de son honnêteté à témoigner de sa totale nudité. Elle s’attache à mener sa route droite, en dépit de l’angoisse et du corps moribond. Au fond de ses ténèbres, elle se dit en paix, sans comprendre comment un tel paradoxe est possible. Thérèse n’a même plus le secours du doute, du relativisme, et le soutien de ses sœurs ne peut pas vraiment l’aider, la maladie rapproche et éloigne tout autant. Il ne lui reste que cette paix tourmentée sur laquelle elle n’a aucune maîtrise. Pourtant elle continue de se préoccuper des autres : toucher à l’instant de sa mort fait éprouver une grande compassion pour l’être humain, écrit Blanchot. On peut lire Thérèse à des moments différents de sa vie ; quand on est ou qu’on a été dans une situation traumatique, elle peut apporter l’aide d’un être qui a souffert et qui comprend. Deux solitudes qui s’accompagnent.

La question de Dieu
Ce que je cherche – je ne sais si c’est Dieu – se laisse parfois approcher dans un lieu intérieur dont le déploiement est intimement lié au langage. Je tends mon doigt vers ce que je ne pourrai jamais connaître, tout en restant dans une clôture humaine, ordinaire. Je me crois assez thérésien en cela.